Les restrictions imposées à la liberté d’expression, notamment en matière d’appropriation culturelle, sont au centre de l’analyse de Caroline Fourest. Dans « Génération offensée : de la police de la culture à la police de la pensée », elle livre des armes pour transcender le phénomène. Ce livre a été publié chez Grasset en février 2020.
« Le progrès n’est pas question d’apprendre à se taire, mais d’apprendre à mieux se parler. » C’est en ces termes que Caroline Fourest, journaliste et réalisatrice, ancienne collaboratrice à Charlie Hebdo, journal satirique français, dénonce certaines pratiques discriminatoires dans la société occidentale. La problématique de l’appropriation culturelle refait surface.
La société de censure
En véritable connaisseuse des sociétés modernes, notamment occidentales, Caroline Fourest met le doigt sur l’épineuse question de l’appropriation culturelle.
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Dans ces sociétés, un véritable renversement de considérations s’effectue. Ce qui était interdit hier reçoit plus de soutiens aujourd’hui. « En mai 1968, la jeunesse rêvait d’un monde où il serait “interdit d’interdire”. La nouvelle génération ne songe qu’à censurer ce qui la froisse ou l’“offense” », écrit-elle dans « Génération offensée : de la police de la culture à la police de la pensée ». Doit-on alors parler d’une folie des idéologies.
Caroline Fourest parle sans fard. Le multiculturalisme, qui a fait la force des sociétés d’autrefois, est en danger aujourd’hui. Dans les discussions, moins de liberté existe parce que certaines personnes ne tarderont pas à se sentir offensées. Ce qui conduit dans la plupart des cas à la censure ou pire à l’inquisition dans les universités. « À l’université, ce temple du savoir, règne désormais la terreur de manger, et même de penser. On s’offusque à la moindre contradiction, vécue comme une “micro-agression”, au point d’exiger des “safe spaces” », déplore-t-elle à travers des exemples concrets titrés des expériences recueillies sur le terrain.
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Les sociétés modernes sont alors des sociétés de censure. C’est ce paradoxe que nous révèle l’auteure.
Sortir du labyrinthe
Caroline Fourest, à travers cet ouvrage fouillé et documenté, livre des analyses pertinentes sur comment sortir de cette voie sinueuse. Toutefois, elle prévient, il ne s’agit nullement d’un regret du passé. Mais de trouver un cadre où nous serons plus libres de nous exprimer sans crainte. Pour ce faire, « Les universités devraient apprendre à penser contre soi-même, à contextualiser, à endurer l’offense et à y répondre par l’argument. » Elle invite ainsi à faire évoluer les mentalités et d’encourager un nouvel imaginaire.
Pourquoi lire ce livre au Mali
Cette problématique de l’appropriation culturelle par imitation ou par pillage est assez connue au Mali. Rouler le « R », toujours costumé, la façon de construire sa maison, de manger, de se tresser, etc., sont tout de suite traduite comme une volonté d’appropriation de la culture occidentale au mépris de sa culture.
Outre cela, la question de la restitution des objets d’art culturel concerne également le Mali. En effet, cette appropriation culturelle par le pillage est ce qui explique la présence des objets culturels de beaucoup de pays africains dans les musées français. Mais la restitution de ces objets est en cours.
L’héritage de Kwamé Krumah
« Génération offensée : de la police de la culture à la police de la pensée » est un ouvrage facile à lire. Malgré ses centaines de pages, on le lit d’un trait parce qu’impossible de s’en défaire une fois qu’on commence sa lecture. Il nous parle directement. Ce qui dénote de son objectivité.
En découvrant cet essai, je ne pouvais pas m’empêcher à faire le lien avec le « Consciencisme » de l’écrivain Ghanaéen Kwamé Krumah. Un philosophe qui prône également le multiculturalisme comme une opportunité d’enrichissement culturel.
Découvrant plusieurs cultures, au lieu de rejeter certaines au profit d’autres, il suffit de faire un travail de synthèse entre elles pour retenir les côtés positifs des unes et des autres, estime cet auteur. Ce qui contribuera à nous enrichir culturellement.
Cette appropriation culturelle, qui favorise la liberté d’expression entre les cultures, est ce dont nos sociétés modernes ont besoin.
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